jeudi 26 mars 2009

Des limites de la censure comme stratégie de prévention

Le gouvernement australien a décidé d'axer sa future stratégie de lutte contre les contenus pédophiles en ligne sur la mise en place d'un système obligatoire de filtrage auquel devront se plier les fournisseurs d'accès. Ce système repose sur une liste de sites interdits distribuée aux fournisseurs d'accès et sur l'obligation pour ces derniers de bloquer la consultation de ces sites par leurs clients. Par ailleurs, les sites australiens qui choisiraient d'insérer des liens vers des sites interdits s'exposent à des amendes pouvant aller jusqu'à 11,000$ australiens par jour. 

Cela paraît simple au premier abord et d'autres pays comme le Danemark ou la Norvège ont adopté une approche similaire. Le principal problème est que les listes qui sont constituées par les autorités responsables de ce contrôle sont en général secrètes et que cette "censure" opaque ouvre la porte à des abus de toutes natures. Tout d'abord, étant donné la nature dispersée de l'offre d'accès à Internet, les chances que ces listes restent confidentielles sont minces. On retrouve d'ailleurs la plupart d'entre elles sur le site Wikileaks

Ensuite, l'examen approfondi de ces listes démontre que s'y retrouvent des sites qui n'ont aucun rapport avec la pédophilie. Ainsi, d'après le quotidien Sydney Morning Herald, on la liste australienne comprend des sites de casinos et de paris en ligne, des sites de pornographie légale et de fétichisme, des pages de l'encyclopédie en ligne Wikipedia, des sites favorables à l'euthanasie et à l'avortement (légal en Australie), des sites faisant la promotion de religions marginales comme le satanisme ou certaines églises chrétiennes, ainsi que le site d'un dentiste et d'une agence de voyages! La liste rendue publique contient un peu plus de 2000 adresses, mais le gouvernement australien prévoit d'y inclure plus de 10,000 sites à terme.

Les opposants à cette politique font à juste titre valoir le potentiel d'atteinte aux libertés individuelles que représente l'existence d'une liste secrète de sites Internet interdits, ainsi que l'absence de mécanismes indépendants de contrôle des processus d'inclusion dans cette liste et d'appel en cas d'erreur. D'autres soulignent à quel point l'existence d'une telle liste ouvre la porte à des abus de la part des dirigeants politiques qui pourront s'en servir pour supprimer l'accès à des informations gênantes. 

La mise en ligne de la liste australienne et le débat auquel elle donne lieu illustrent cependant la futilité de vouloir mettre en oeuvre des programmes de prévention dont la principale caractéristique est le secret. Cela dénote de la part des autorités régulatrices un sérieux déficit de compréhension de ce qui fait justement la force de l'Internet, à savoir sa nature distribuée et adaptative qui permet à l'information de circuler avec une fluidité inégalée.

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