On apprend notamment dans celui-ci que les efforts de lutte contre les cybercrimes restent de l'avis même des praticiens très cloisonnés, aussi bien à l'échelle internationale qu'à l'intérieur des juridictions nationales ou locales. Les collaborations entre les agences d'application de la loi, les entreprises et les centres de recherche universitaires restent encore trop peu nombreuses, malgré les expertises complémentaires qui résident au sein de chacun de ces groupes.
Les adaptation législatives requises semblent également souffrir d'une inertie préoccupante. Alors que le Canada figure parmi les signataires initiaux de la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe de 2001, aucune loi n'y a été votée au cours des sept dernières années afin de créer les délits qui correspondent aux énoncés de la convention, ou d'encadrer les techniques d'enquête et de collecte de la preuve afférentes à ce type particulier de crimes. Cette situation empêche la ratification de cette convention par le Canada.
Enfin, le rapport nous éclaire sur les adaptations qui seront requises de la part des services de police et des procureurs de la couronne. Alors que les policiers enquêteurs semblent bénéficier de manière croissante de formations adéquates (malgré des listes d'attentes importantes), les procureurs semblent encore avoir bien du mal à se familiariser avec cette nouvelle forme de délinquance dont la nature complexe est renforcée par une forte composante technique. La rétention de l'expertise s'avère également problématique, dans la mesure où les entreprises sont à la recherche des mêmes profils que ceux qui sont formés à grand peine dans les services publics, et qu'elles sont prêtes à leur offrir des rémunérations bien plus attractives.
Si ce rapport touche du doigt certaines problématiques encore marginales au sein des politiques publiques de sécurité, il souffre également de certains défauts qui viennent entâcher sa crédibilité. Tout d'abord, sa méthodologie est relativement floue et l'absence de détails sur l'ampleur des recherches menées nous permet mal d'évaluer la portée des affirmations sur lesquelles il s'appuie. Le nombre d'entretiens réalisés (63) ne figure ainsi pas dans le rapport lui-même mais se trouve plutôt dans la fiche d'accompagnement destinée aux médias, qui reste très évasive sur la représentativité des répondants et la nature plus ou moins approfondie des entretiens.
De surcroît, les statistiques mises de l'avant proviennent en majeure partie des États-Unis, sans que cette origine ne soit toujours clairement mentionnée, ce qui a pour effet de gonfler artificiellement la taille du problème dans un rapport qui est supposé nous renseigner sur la cybercriminalité au Canada. Cette pratique fort répandue trouve son origine dans le manque de données quantitatives disponibles localement, mais elle peut difficilement être justifiée, à moins que l'objectif recherché ne soit de créer délibérément une forme de panique morale qui force les différents ordres de gouvernement à agir dans l'urgence.
Ces glissements sont regrettables, dans la mesure où le problème qu'il met en lumière est bien réel, et est destiné à prendre de l'ampleur au cours des prochaines années comme en attestent les arrestations de plus en plus fréquentes de fraudeurs en ligne ou le démantèlement régulier de réseaux virtuels de pédophiles bien réels. La complexité des solutions qui seront requises pour faire face à ces formes nouvelles de crimes traditionnels, et les répercussions qu'elles produiront sur nos habitudes d'utilisation de l'Internet méritent sans doute un petit peu mieux qu'un appel à l'augmentation des ressources policières ou à l'adoption d'une nouvelle législation faisant du pourriel un délit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire