jeudi 13 novembre 2008

Stopper 65% du spam mondial en quelques heures? C'est possible.

Un article du Washington Post montre comment le journaliste Brian Krebs a réussi, à partir de ses démarches auprès de deux grandes entreprises de télécommunications (Global Crossing et Hurricane Electric), à faire suspendre l'accès à Internet d'un hébergeur de site connu pour sa propension à offrir ses services à des entreprises de spam et à des réseaux pédophiles. McColo Corp. est l'un de ces "bulletproof hosts" ou hébergeurs blindés, qui garantissent à leurs clients le maintien de leur service, même si des plaintes sont reçues contre ces derniers en raison de leurs activités douteuses. Ce service est bien entendu accompagné de frais additionnels.

McColo est jugé indirectement responsable par des entreprises et des chercheurs spécialisés en sécurité informatique de 75% des spams qui polluent l'Internet chaque jour, et qui font la promotion de divers produits supposés améliorer les performances sexuelles des gogos qui les achètent (un article scientifique a récemment été publié sur les taux de conversion en ventes de ces spams). Ces milliards de spam ne sont pas expédiés à partir des serveurs de McColo: ce sont plutôt les réseaux d'ordinateurs zombis (les fameux botnets) qui sont coordonnés et synchronisés à partir des serveurs de McColo. Cette entreprise offrait également des solutions de paiement à une quarantaine de réseaux pédophiles qui pouvaient ainsi distribuer leurs photos et vidéos. Enfin, des groupes criminels auraient loué des serveurs à McColo pour distribuer par le biais de sites Internet des logiciels malveillants qui peuvent être utilisés pour commettre des vols d'identité (voir par exemple les logiciels Torpig et Sinowal).

Lorsque la connexion à Internet de McColo a été suspendue, le volume mondial de spams a instantanément chuté de 65%!!! L'efficacité des groupes criminels a également dû souffrir, puisque les coûts associés à leurs activités ont augmenté (recherche de nouveaux fournisseurs d'accès et rareté des opérateurs désireux de transiger avec eux) et que leurs profits ont connu un ralentissement temporaire.

Bien entendu, l'accalmie est de courte durée, mais cet exemple montre bien comment la solution aux problèmes de cybercriminalité ne peut reposer uniquement sur les épaules de la police ou des processus traditionnels mis en oeuvre par le système pénal. L'Internet est avant tout un univers marchand dans lequel même les groupes criminels les plus organisés doivent payer des services d'hébergement et de connexion. Si les enquêteurs peuvent se focaliser sur les cas les plus graves (pédophilie, fraudes financières massives, cyberterrorisme...), certaines entreprises ont entre leurs mains le pouvoir de diminuer considérablement (et sans encourir des frais trop élevés) le volume des fraudes qui nuisent quotidiennement à l'expérience des internautes. Encore faut-il que les gouvernements réussissent à convaincre les entreprises de le faire. Peut-être Monsieur Krebs pourra-t-il leur donner deux ou trois conseils en ce domaine?

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