vendredi 3 avril 2009

Le cybercrime est-il devenu plus profitable que le trafic de drogue?

C'est ce qu'a affirmé devant un comité du sénat américain Edward Amoroso, chef de la sécurité du géant des télécommunications AT&T. Dans la restranscription de son audition (qui exclut une erreur de ce dernier qui aurait pu facilement être corrigée), celui-ci déclare en effet:
L'an dernier, le FBI a annoncé que les revenus de la cybercriminalité ont
détroné pour la première fois le trafic de drogue comme activité illicite la
plus profitable au niveau mondial, en estimant que les profits annuels illicites
dans ce domaine s'élevaient à 1000 milliards de dollars (one trillion dollars) (ma traduction).

Cette information a aussitôt été reprise telle quelle dans de nombreux médias (Vnunet, Public Technology, Le Monde Numérique, ZDNet, etc...), un rapport de la société Finjan étant venu entre-temps étayer de tels chiffres. Celui-ci extrapole à partir des gains criminels d'une opération de fraude particulièrement réussie qui rapporte à ses auteurs environ 10.000 dollars par jour, et assume qu'il existe des milliers d'opérations similaires dans le monde sans aucune base factuelle (ça pourrait tout aussi bien être des dizaines ou des millions).

Le problème est qu'évidemment, quand on examine ces chiffres avec un regard un peu plus critique que celui des marchands de peur, on se rend bien compte de leur improbabilité. Car comme le fait remarquer le blogeur Richard Stennion, cela impliquerait que le cybercrime génère des profits supérieurs à ceux de l'industrie informatique ou des cinq plus grosses entreprises américaines. Cela représente aussi le double du PIB de l'Arabie Saoudite et de son océan de pétrole! Le site The Register a établi la généalogie de cette légende urbaine et l'a faite remonter à 2005, où une consultante du FBI lançait à un journaliste que le cybercrime venait de dépasser le trafic de drogue avec des revenus annuels de 105 milliards de dollars. Depuis, tel le monstre du Loch Ness, elle refait surface de temps à autres.

Mais en ces temps de récession économique mondiale et de plans de relance astronomiques, à moins de 1000 milliards, on n'arrive plus vraiment à attirer l'attention des journalistes et des politiciens! C'est regrettable car même s'il n'atteint pas (et n'atteindra certainement jamais) de telles proportions, le problème de la cybercriminalité est bien réel et crée chaque jour de nombreuses victimes individuelles et organisationnelles qui méritent un traitement moins sensationnaliste.


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