Je viens de publier, avec Guillaume Louis, une note de recherche qui analyse à partir de données empiriques le profil des voleurs d'identité, ainsi que leurs modes opératoires.
Voici quelques faits saillants de cette note:
- Le vol d’identité a frappé 1,7 millions de personnes au Canada en 2008 et a fait 340.000victimes au Québec l’année précédente. Malgré le volume significatif de cette forme émergente de criminalité, les connaissances dont nous disposons sur le sujet restent encore relativement limitées, particulièrement en ce qui concerne le profil des auteurs de ces crimes et leurs modes opératoires.
- Le vol d’identité est souvent représenté dans les médias comme une forme de délinquance nécessitant des compétences techniques très développées et étroitement associée au crime organisé.
- Cette recherche, qui s’appuie sur des sources secondaires provenant en grande majorité des États‐Unis, permet de mieux comprendre la dynamique du vol d’identité et de démontrer qu’il s’agit en réalité d’une forme de délinquance très diversifiée englobant des stratagèmes dont la sophistication varie grandement.
- Notre base de données est constituée à partir de 574 articles de presse recueillis de janvier à juin 2008. Elle contient 195 affaires de vol d’identité impliquant 422 délinquants.
- Les femmes représentent près de 40% des délinquants. Cette forte présence s’explique selon nous par l’absence de violence inhérente à ce type de crime et par la possibilité de le commettre sans le soutien de pairs délinquants.
- Les auteurs de vols d’identité sont relativement plus âgés que les autres délinquants, avec une moyenne de 33 ans. Le délinquant le plus âgé figurant dans notre base de données avait 67 ans.
- Les délinquants ont agi seul dans une grande majorité des cas (64,6%), ce qui semble contredire la thèse d’une forte implication du crime organisé dans ce type de crime.
- Concernant les techniques d’acquisition des identités, des moyens technologiquement rudimentaires comme le vol physique de portefeuille ou de sac à main et l’escroquerie représentent plus de la moitié des cas (53,4%). Il semble donc que les délinquants habituels exploitent les opportunités qui leurs sont fournies pour s’adonner au vol d’identité.
- Par ailleurs, il est intéressant de noter que le second mode d’acquisition le plus répandu concerne des professionnels qui détournent à leur profit les renseignements personnels de clients, patients ou bénéficiaires qu’ils rencontrent dans le cadre de leur emploi (28,3%).
- À l’étape de la fraude, Internet devient un outil privilégié des délinquants qui souhaitent extraire un bénéfice financier des identités volées, puisque 45,3% des cas impliquent l’achat de biens ou de services en ligne, ainsi que l’obtention de lignes de crédit via Internet.
- Contrairement à l’image d’un crime faisant un grand nombre de victimes lors de chaque incident, notre échantillon n’identifie qu’une seule victime par affaire dans 57% des cas. Il est possible qu’un biais de sélection soit à l’origine de ce résultat surprenant.
- Le montant médian des profits réalisés par les auteurs de vol d’identité est de 26.000 dollars US, ce qui fait du vol d’identité un crime relativement profitable au vu des faibles risques encourus.
- Parmi les personnes arrêtées et condamnées, les peines infligées sont relativement lourdes, avec une peine moyenne de 54 mois de prison. Cette sévérité nous semble influencée par une volonté de dissuasion à l’égard de délinquants pouvant penser qu’ils jouissent en ce domaine d’une véritable impunité. Par contre, il semble que les affaires les plus complexes se règlent plus fréquemment par une peine assortie d’un sursis, en raison du pouvoir de négociation dont disposent les criminels à qui on demande de fournir des informations sur le mode opératoire utilisé.
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